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photo : http://www.accessexcellence.org/WN/SU/SU102001/caveart.html
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Ci-contre : pointes bifaciales, fragments de colorants d'ocre et outils en os. Le niveau supérieur du Middle Stone Age à Blombos contient de nombreuses pointes bifaciales, le fossile directeur de la Still Bay Industry qui témoigne que cette période, après 80 000 - 70 000 BP, fut celle d'une élaboration sociale et stylistique. La majorité des outils de Blombos "sont des poinçons, mais deux ou trois pièces semblent être des fragments de sagaie, façonnés par raclage puis polis avec du sable et du cuir, ce polissage n'ayant aucun intérêt fonctionnel" (Francesco d'Errico). La présence d'ocre est courante dans la plupart des sites sud-africains de moins de 100 000 ans.
Coquillages découverts dans les couches du Middle Stone Age à Blombos et datés de 75 000 ans. Ils ont sans doute été percés pour être portés en collier.

Ci-contre : dents humaines découvertes dans le niveau Middle Stone Age de Blombos. Le diamètre de la couronne de certaines dents au moins suggère que les individus de Blombos étaient probablement des Hommes modernes. Le site voisin de Klasies River datant de la même période contenait des fossiles d'Hommes modernes.

Mais l'invention des bijoux date en fait au moins de 75 000 ans, puisque 41 petits coquillages percés et de cet âge ont été découverts en 2002 dans la grotte de Blombos en Afrique du Sud par Francesco d'Errico et Marian Vanhaeren, préhistoriens au CNRS. L'étude de ces 41 fossiles de gastéropodes appartenant à l'espèce Nassarius kraussianus et découverts dans les couches archéologiques du Middle Stone Age révèle qu'ils ont été utilisés comme objets de parure.

Les coquillages tels que ceux de Blombos vivent exclusivement dans des estuaires dont le plus proche est situé à 20 km du site. Ils n'ont pas pu être ramenés par des animaux et ne peuvent pas constituer des restes de repas, car il faut en collecter plus de 100 pour obtenir un gramme de chair. Tous présentent des types de perforations absentes chez les coquillages vivants ou morts que l'on peut ramasser dans les estuaires. De plus, l'analyse microscopique révèle des facettes d'usure indiquant qu'ils auraient été portés, peut-être à la manière d'un collier (ou d'un bracelet). La mesure de plusieurs milliers de coquillages, modernes et archéologiques, met en évidence que les premiers fabricants d'objets de parure à Blombos n'utilisaient pour leurs bijoux que des grands coquillages, relativement difficiles à trouver, contrairement à leurs descendants du Later Stone Age vivant en Afrique depuis environ 30 000 ans. Ces coquillages ont été découverts par lots de deux à dix-sept exemplaires présentant des dimensions, des perforations et des usures semblables. Ces groupes correspondent vraisemblablement à des éléments de parure perdus ou abandonnés ensemble.

La production d'objets de parure à Blombos semble donc indiquer que les Hommes modernes d'Afrique australe possédaient il y a 75 000 ans une pensée symbolique. Des milliers de fragments d'ocre portant des traces d'utilisation proviennent également des couches archéologiques qui ont livré ces bijoux.

BLOMBOS

LES BIJOUTIERS DE BLOMBOS

Il y a 25 ans, les plus anciens bijoux connus étaient dûs à la culture aurignacienne, attribuée aux Hommes modernes d'il y a 35 000 ans. Puis des pendeloques en dents d'animaux prouvèrent indiscutablement que les Néandertaliens de culture châtelperronnienne furent également des bijoutiers adroits à la même époque.

On découvrit également en Turquie des coquillages percés âgés de 40 000 ans et des perles en œuf d'autruche du même âge au Kenya.

Plusieurs fragments portent des motifs géométriques gravés. Un langage et des capacités cognitives proches des nôtres semblent être un prérequis essentiel pour transmettre la signification symbolique de ces parures et des représentations abstraites gravées provenant des mêmes couches archéologiques.

d'après Science du 16 avril 2004, le site du CNRS et Futura-Sciences.

Le Middle Stone Age est la culture matérielle des populations africaines sub-sahariennes entre 300 000 et 40 000 ans BP. C'est l'équivalent en Afrique du Paléolithique moyen européen.
La présence de dents de lait indique la présence d'enfants. La découverte d'une incisive n'ayant sans doute pas percé et appartenant à un bébé d'environ cinq mois suggère que cet enfant est mort dans la grotte ou à proximité. Des adultes sont donc peut-être également morts ici. Les sites du Middle Stone Age contiennent rarement des os humains, soit parce que les corps humains n'étaient pas enterrés ou abandonnés dans les grottes, soit parce qu'ils étaient traités et abandonnés à distance.
LES OCRES GRAVÉES DE BLOMBOS, PREMIERS TÉMOIGNAGES DE LA PENSÉE SYMBOLIQUE

"Emergence of modern human behavior : Middle Stone Age engravings from South Africa", Science, January 10, 2002.

C.S.
Henshilwood et al., Journal of Human Evolution,
n°41, December 2001.

Parmi quelques 8000 fragments de colorants d'ocre rouge, l'équipe de Christopher Henshilwood avait en effet découvert dans la même grotte deux petits blocs d'ocre rouge, de quelques centimètres de longueur, sur lesquels ont été gravées des séries de traits parallèles. Mises au jour il y a une dizaine d'années, ces gravures ont été ensuite datées de plus de 77 000 ans.

Des fragments de pierre calcinée retrouvés près des blocs d'ocre ont été datés de 77 000 ans par la technique de la thermoluminescence. Une autre technique, l'OSL (optically stimulated luminescence), a daté des grains de sable du même horizon d'environ 70 000 ans.

Ces gravures ont été réalisées sur des supports identiques : des plaquettes d'ocres dont les bords ont été préparés par abrasion. La préparation du support et la répétition des mêmes motifs font penser que ces gravures n'ont pas été improvisées, mais qu'il s'agit de symboles, dont la signification demeure pour nous inconnue (signature, calcul, écriture ?).

La datation de ces deux blocs gravés remet en tout cas en cause la thèse selon laquelle la révolution symbolique et artistique aurait eu lieu en Europe il y a 40 000 ans, c'est-à-dire plus de 100 000 ans après l'apparition de l'Homme moderne. Pourquoi ce dernier se serait-il en effet contenté d'une culture matérielle (outils, habitat, feu) pendant tant de temps avant de concevoir une culture symbolique (langage articulé, croyances religieuses, activités artistiques) durant le Paléolithique supérieur ?

d'après J.-F. DORTIER, "Quand est apparue la pensée symbolique", Sciences humaines n°126, avril 2002 : 32-35.

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La thermoluminescence s'applique aux minéraux siliceux, qui accumulent au cours de leur enfouissement une dose de radiation due à la radioactivité naturelle. La dose accumulée permet d'évaluer le temps écoulé.
Selon Bruno Maureille (Institut de Préhistoire et de Géologie du Quaternaire, Bordeaux), il n'est pas certain que les hommes de Blombos soient des Homo sapiens.