Ci-contre : dents humaines découvertes dans le niveau Middle Stone Age de Blombos. Le diamètre de la couronne de certaines dents au moins suggère que les individus de Blombos étaient probablement des Hommes modernes. Le site voisin de Klasies River datant de la même période contenait des fossiles d'Hommes modernes.
Mais l'invention des bijoux date en fait au moins de 75 000 ans, puisque 41 petits coquillages percés et de cet âge ont été découverts en 2002 dans la grotte de Blombos en Afrique du Sud par Francesco d'Errico et Marian Vanhaeren, préhistoriens au CNRS. L'étude de ces 41 fossiles de gastéropodes appartenant à l'espèce Nassarius kraussianus et découverts dans les couches archéologiques du Middle Stone Age révèle qu'ils ont été utilisés comme objets de parure.
Les coquillages tels que ceux de Blombos vivent exclusivement dans des estuaires dont le plus proche est situé à 20 km du site. Ils n'ont pas pu être ramenés par des animaux et ne peuvent pas constituer des restes de repas, car il faut en collecter plus de 100 pour obtenir un gramme de chair. Tous présentent des types de perforations absentes chez les coquillages vivants ou morts que l'on peut ramasser dans les estuaires. De plus, l'analyse microscopique révèle des facettes d'usure indiquant qu'ils auraient été portés, peut-être à la manière d'un collier (ou d'un bracelet). La mesure de plusieurs milliers de coquillages, modernes et archéologiques, met en évidence que les premiers fabricants d'objets de parure à Blombos n'utilisaient pour leurs bijoux que des grands coquillages, relativement difficiles à trouver, contrairement à leurs descendants du Later Stone Age vivant en Afrique depuis environ 30 000 ans. Ces coquillages ont été découverts par lots de deux à dix-sept exemplaires présentant des dimensions, des perforations et des usures semblables. Ces groupes correspondent vraisemblablement à des éléments de parure perdus ou abandonnés ensemble.
La production d'objets de parure à Blombos semble donc indiquer que les Hommes modernes d'Afrique australe possédaient il y a 75 000 ans une pensée symbolique. Des milliers de fragments d'ocre portant des traces d'utilisation proviennent également des couches archéologiques qui ont livré ces bijoux.
LES BIJOUTIERS DE BLOMBOS
Il y a 25 ans, les plus anciens bijoux connus étaient dûs à la culture aurignacienne, attribuée aux Hommes modernes d'il y a 35 000 ans. Puis des pendeloques en dents d'animaux prouvèrent indiscutablement que les Néandertaliens de culture châtelperronnienne furent également des bijoutiers adroits à la même époque.
On découvrit également en Turquie des coquillages percés âgés de 40 000 ans et des perles en uf d'autruche du même âge au Kenya.
Plusieurs fragments portent des motifs géométriques gravés. Un langage et des capacités cognitives proches des nôtres semblent être un prérequis essentiel pour transmettre la signification symbolique de ces parures et des représentations abstraites gravées provenant des mêmes couches archéologiques.
d'après Science du 16 avril 2004, le site du CNRS et Futura-Sciences.
Parmi quelques
8000 fragments de colorants d'ocre rouge, l'équipe de Christopher
Henshilwood avait en effet découvert dans la même grotte deux
petits blocs d'ocre rouge, de quelques centimètres de longueur, sur
lesquels ont été gravées des séries de traits
parallèles. Mises au jour il y a une dizaine d'années, ces
gravures ont été ensuite datées de plus de 77 000
ans.
Des fragments de pierre calcinée retrouvés près des
blocs d'ocre ont été datés de 77 000 ans par la
technique de la thermoluminescence. Une autre technique, l'OSL (optically
stimulated luminescence), a daté des grains de sable du même
horizon d'environ 70 000 ans.
Ces gravures
ont été réalisées sur des supports identiques
: des plaquettes d'ocres dont les bords ont été préparés
par abrasion. La préparation du support et la répétition
des mêmes motifs font penser que ces gravures n'ont pas été
improvisées, mais qu'il s'agit de symboles, dont la signification
demeure pour nous inconnue (signature, calcul, écriture ?).
La datation de ces deux blocs gravés remet en tout cas en cause la
thèse selon laquelle la révolution symbolique et artistique
aurait eu lieu en Europe il y a 40 000 ans, c'est-à-dire plus
de 100 000 ans après l'apparition de l'Homme moderne. Pourquoi
ce dernier se serait-il en effet contenté d'une culture matérielle
(outils, habitat, feu) pendant tant de temps avant de concevoir une culture
symbolique (langage articulé, croyances religieuses, activités
artistiques) durant le Paléolithique supérieur ?
d'après J.-F. DORTIER, "Quand est apparue la pensée symbolique", Sciences humaines n°126, avril 2002 : 32-35.