Les mains aux doigts mutilés
Dans
une caverne située près de Nowa Biala, dans le gisement d'Oblazowa,
au sud de la Pologne, un chercheur de l'université de Cracovie a exhumé
pour la première fois deux phalanges humaines d'adulte, dont une phalange
distale de pouce d'une main gauche. Cette découverte aurait pu rester
sans lendemain, si elles n'avaient été associées à
des dents de renard arctique perforées, un boomerang taillé
dans une défense de mammouth -le plus ancien jamais découvert
-, une pendeloque de coquillage, des perles en os et une multitude d'objets
façonnés.
Comme pour en parachever l'indéniable caractère cérémoniel,
ce dépôt d'offrandes se trouvait placé au centre d'une
installation circulaire de blocs de granit et de quartzite. Les premiers résultats
d'analyses AMS (spectromètre de masse) et de datations au radio-carbone
font remonter l'occupation de ce site à 30 000 ans.
"C'est
la preuve que dans le bassin du Danube, à la fin du Gravettien, on
amputait les doigts dans un cadre cérémoniel, révèle
Pawel Valde-Novak, ce qui donne aux représentations de mains une
signification symbolique toute particulière."
Les ablations de doigts (de pied ou de main) semblent avoir traversé
les âges. L'ethnographie en relatait toujours la pratique chez certaines
sociétés primitives de chasseurs. En particulier les Bochimans
du Kalahari, les Aborigènes d'Australie et les Hottentots (Khai) d'Afrique
du Sud, où elles seraient liées à des rituels initiatiques.
texte : Bernadette Arnaud, Sciences et Avenir, août 2003