Ralph
S. SOLECKI (Department of Anthropology, Columbia University, New York) a dirigé
les fouilles de Shanidar, rejoint par T. Dale STEWART (U.S. National Museum)
qui a comme lui décrit les ossements des adultes H1à H6. Muzaffir
SENYÜREK (Université d'Ankara) a décrit l'enfant de Shanidar.
Arlette LEROI-GOURHAN a découvert des pollens de fleurs entières
dans les prélèvements de sol de la tombe de H4.
Résumé : "La découverte d'amas de pollen
de plusieurs espèces de fleurs dans la tombe de H4, l'un des Hommes
de Néandertal de la grotte de Shanidar en Iraq, nous conduit à
admettre les Néandertaliens dans la même lignée de l'évolution
que l'Homme moderne (1). Ce
qui suggère que bien que son physique fut archaïque (2),
son esprit était moderne (3)."
Extraits de l'article : "Shanidar IV et les restes de trois autres
individus furent trouvés à 15 mètres de l'entrée
de la grotte, à une profondeur de 7,5 m en dessous du sol de la grotte.
Les squelettes gisaient dans une niche de pierre mesurant 90 cm du nord au
sud par 150 cm d'est en ouest et recouverte par un éboulement important.
(. . .) En dégageant le sol autour de Shanidar IV, STEWART (4)
découvrit Shanidar VI, un adulte de sexe féminin. L'ensemble
des ossements fut transporté en bloc à Bagdad. Deux ans plus
tard, STEWART identifia parmi les os de Shanidar VI ceux d'une deuxième
femme adulte, désignée Shanidar VII. Il ne put attribuer à
chacune d'elle les différents ossements, aussi l'ensemble des deux
ossements féminins fut-il dénommé Shanidar VI-VII. Les
ossements d'un bébé, Shanidar VIII (5),
furent dégagés en-dessous de ceux de Shanidar IV etVI-VII. Les
restes de Shanidar VI-VII sont incomplets. La position des squelettes fait
apparaître que le bébé a été enterré
le premier, suivi des deux femmes. Puis une place fut dégagée
pour l'homme, d'évidence un personnage important. (...)
Les fleurs identifiées par Arlette LEROI- GOURHAN [au sein des prélèvements
de sol réalisés par SOLECKI dans la tombe de Shanidar IV] poussent
encore aujourd'hui en Iraq (6).
Sept des huit espèces de fleurs sont citées par Al-Rawi et Chakravarty
(7) pour leurs propriétés médicinales.
Au moins six espèces du genre Achillea se trouvent de nos jours
aux alentours de Shanidar (6,8).
L'achillée est couramment nommée mille-feuille, ou en anglais
yarrow (dérivé vieil-anglais signifiant guérisseur).
En plus de son emploi dans le passé pour soigner les blessures, elle
a été largemalt utilisée en phytothérapie. En
Iraq, Al-Rawi et Chakravarty (7)
nous apprennent que A. santolina L. est utilisé comme répulsif
contre les insectes et que ses feuilles sont utiles contre la dysenterie,
les coliques intestinales et les flatutulences, et comme tonique et carminatif.
Solecki a noté que Centaurea solstitialis (St. Barnaby's thistle), avec ses feuilles blanches, ses épis jaunes effilés comme des aiguilles et ses feuilles jaunes, se voit aujourd'hui en abondance en Iraq (6) et notamment à Shanidar, et que les autochtones en mangent le sommet après avoir retiré les chardons. C. cyanus L. (le bleuet) se trouve également de nos jours en Iraq, plus au sud. Il est diurétique, emménagogue, tonique, pectoral, stimulant, astringent, fébrifuge et utilisé comme collyre (7).
Au moins quatre espèces de Senecio poussent encore au nord de l'Iraq (7), dont l'herbe de St-Jacques ou le séneçon dont l'étymologie du nom anglais signifie avaleur de pus. Ces plantes ont des fleurs jaunes grandes et éclatantes. S. vulgaris L. que l'on rencontre dans le sud irakien est émétique, diurétique, purgatif, et a dit-on une action semblable à celle de l'ergot sur les douleurs génitales féminines (7).
Le Muscari a des fleurs bleues très foncées. Il en existe au moins quatre espèces dans le nord de l'Iraq (6,8). Il est diurétique et stimulant. Son bulbe est toxique (9).
L'Ephedra, de la famille des Gnétacées, possède six espèces dans le nord irakien, et deux plus au sud (7). E. alata Decne est antiasthmatique, cardiotonique, et utilisée contre l'hydropisie épidémique (7) et les rhumatismes (9). Elle contient de l'éphédrine qui est neurostimulante. L'E. altissima de LEROI-GOURHAN peut être semblable à l'E. foliata Bois and Kotschy (woody horsetail) (6,7).
Les
Malvacées sont représentées parmi les échantillons
de pollen par l'Althaea, dont le nom vient du mot grec signifiant guérisseur,
et qui est communément appelée rose-trémière.
Elle a une longue tige et de grandes fleurs qui peuvent être blanches,
jaunes, rouges ou violettes. Elle est utilisée contre les maux de dents,
les inflammations et les spasmes, et en cataplasme. C'est l'aspirine du pauvre.
A. rosea L. (nord de l'Iraq) soulage les spasmes, les maux de dents,
les inflammations (7), est émolliente,
démulcente, diurétique, expectorante, mucilage et astringente.
A. officinalis L. (nord de l'Iraq) est émolliente, combat l'irritation
et l'inflammation des muqueuses, et est parfois utilisée en cataplasmes.
( . . . ) On peut imaginer que Shanidar IV était non seulement un personnage
très important, mais aussi qu'il a pu avoir été une sorte
de guérisseur ou de chamane. (...) Notons que MARSHACK (10)
avait ailleurs interprété une image paléolithique
comme étant une fleur gravée sur un os. (...)"
D'après "Shanidar IV, a Neanderthal Flower Burial in Northern
Iraq", de Ralph S. SOLECKI, Science, 190 : 880 (1975). Traduction
: T. Koltes
1 On estime actuellement que
Homo neanderthalensis n'est pas un ancêtre d' Homo sapiens
mais que ces deux groupes humains sont deux espèces ou sous-espèces
proches l'une de l'autre.
2 On admet actuellement que son
apparence était plus humaine et moins simienne que ce que l'on prétendait
il y a quelques décennies encore.
BIBLIOGRAPHIE
3. R.S. SOLECKI. Smithson
Inst Ann Rep 1959 : 603 (1960).
4 . T.D. STEWART. Sumer
29 : 8 (1963).
5.
A-t-il été renommé Shanidar IX ?
6. A. AL-RAWI. Wild Plants
of Iraq, with Their Distribution (Iraq Ministry of Agriculture, Directorate
General of Agricultural Research and Projects, Technical Bulletin N° 14,
Bagdad, 1968).
7. A. AL-RAWI & H.L. CHAKRAVARTY.
Medicinal Plants of Iraq (Iraq Ministry of Agriculture, Directorate
General of Agricultural Research and Projects, Bagdad, 1964).
8. G.S. HASSAWY, S.A. TAMMIMMI,
H. AL IZZl. Weeds in Iraq. (Iraq Ministry of Agriculture, Botany Division,
Technical BuIletin N° 167, Bagdad, 1968).
9. D. MARTIN
10. A. MARSHACK. Nat Hist,
79 : 57 (1970).