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d'après The Human Genus de
Bernard WOOD et Mark COLLARD, Science 284 : 65-71 (1999)
voir aussi Définition du genre Homo,
de Bernard WOOD, in S. Prat et al., Les Premiers représentants
du genre Homo en Afrique, Artcom', 2001
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RÉSUMÉ
DE L'ARTICLE :
«L'utilisation des données concernant l'évolution
dans un but taxinomique est un des problèmes de la biologie. La
définition du genre Homo est un exemple de ce type de problème.
Les critères conventionnellement utilisés pour attribuer
des espèces fossiles au genre Homo sont passés en
revue dans cet article, et sont estimés inappropriés ou
inopérants. Les auteurs proposent une nouvelle définition
du genre Homo basée sur des critères vérifiables,
et concluent qu' Homo habilis et Homo rudolfensis n'appartiennent
pas au genre Homo. La première espèce à satisfaire
aux nouveaux critères des auteurs est Homo ergaster (Homo
erectus archaïque d'Afrique) dont nous possédons des ossements
datant d'il y a 1,9 million d'années.»
Les critères
classiques du genre Homo
La production d'outils lithiques était l'indice habituellement
retenu pour inclure une espèce dans le genre humain (Homo).
Les hominiens contemporains des premiers outils (2,6 à 2,3 Ma)
sont estimés les avoir fabriqués et sont ainsi jugés
dignes du statut d'Homo. Il semble pourtant délicat de reconnaître
parmi plusieurs espèces contemporaines (des Homo archaïques
et des australopithécinés du genre Paranthropus)
celles qui sont productrices des outils de la période concernée
et celles qui ne le sont pas.
A la fin du XXe siècle, les fossiles d'hominiens
sont cependant classiquement assignés à Homo sur
la base d'un ou plusieurs des critères suivants :
1) un volume cérébral de 600 cm3 (Leakey, Tobias et Napier,
1964 ; inventant la notion de Rubicon cérébral Keith avait
placé la limite à 750),
2) le langage articulé, supposé possible d'après
l'aspect des reliefs endocrâniens,
3) une préhension précise de type moderne impliquant le
développement d'un pouce opposable,
4) la production d'outils.
Mais le volume du cerveau a une signification physiologique contestable
; la fonction du langage ne peut être déduite avec certitude
des reliefs du cortex ; la précision de la main n'est pas bien
connue pour tous les premiers hominiens.
Les espèces
du genre Homo
Certains auteurs, comme Wood (Nature, 1992 ; Bioessays,
1996), Groves (Oxford Univ. Press, 1989) et Rightmire (J Hum Evol,
1996), divisent le genre Homo en sept espèces, que nous
passerons en revue. D'autres chercheurs, comme Wolpoff, Thorne, Jelinek,
Zhang (Cour Forschungsinst Senckenb, 1994), Henneberg et Thackeray
(Evol Theory, 1995) classent la plupart de ces espèces parmi
Homo sapiens :
Homo neanderthalensis
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Europe, Asie centrale et du sud-ouest
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250 000 à 30 000 BP
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Auparavant classé parmi Homo sapiens
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Amud l, Gibraltar l, La Chapelle, La Ferrassie,
Le Moustier, Saccopastore
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Homo erectus
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Eurasie, Afrique
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1,9 Ma à 200 000 BP
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ppp
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Trinil, Sangiran 17, Zhoukoudian XI
et XII, OH 28
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Homo heidelbergensis
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Afrique, Eurasie
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Pléistocène moyen
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taxon introduit pour la mâchoire de Mauer
et des fossiles apparentés auparavant classés Homo
sapiens archaïques
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Kabwe, Steinheim, Boxgrove
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Homo habilis
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Olduvai, Afrique de l'Est, (Afrique du Sud ?)
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1,9 Ma (2,3 Ma ?) à 1,6 Ma
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ppp
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OH 7, OH 16, OH 62, KNM-ER 1813,
KNM-ER 3735
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Homo ergaster
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Afrique (Lac Turkana,...) ; Eurasie ?
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1,9 Ma à 1,5 Ma
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fossiles d'Homo erectus archaïques
d'Afrique reconnus suffisamment différents pour constituer
une espèce propre
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KNM-WT 15000, KNM-ER 3733, KNM-ER 3883
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Homo rudolfensis
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Kenya, Malawi ; Ethiopie ?
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2,4 Ma à 1,8 Ma
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certains fossiles initialement classés
Homo habilis
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KNM-ER 1470, KNM-ER 1590
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Homo sapiens
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monde entier
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du Pléistocène à aujourd'hui
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coucou
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où
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Définition du genre
Définition des systématistes
: espèce ou groupe d'espèces ayant un ancêtre commun
et occupant une niche écologique ou une zone adaptive différentes
de celles occupées par les espèces d'un autre genre. Selon
cette définition, un groupe d'espèces ayant un ancêtre
commun peut être monophylétique ou paraphylétique.
Définition cladistique
: groupe d'espèces plus étroitement liées
les unes aux autres qu'aux espèces d'un autre genre. Le genre est
ici obligatoirement monophylétique : toutes les espèces
d'un genre descendent d'un même ancêtre, et de cet ancêtre
ne descendent que les espèces de ce genre.
Wood et Collard n'admettent pas qu'un genre puisse être paraphylétique.
La cladistique est la méthode de choix pour identifier les groupes
monophylétiques. Si Homo est bien monophylétique,
les études cladistiques doivent montrer que les espèces
du genre Homo sont plus proches d'Homo sapiens que des australopithécinés
(ensemble regroupant Australopithecus, Paranthropus, Praeanthropus
et Ardipithecus), tant au niveau anatomique qu'à celui des
stratégies adaptatives utilisées pour s'alimenter, se reproduire,
etc.
Analyse
de cladogrammes
Wood et Collard ont analysé six cladogrammes :
- Wood, Koobi Fora Research Project, vol. 4, 1991
- Wood , Nature, 1992
- Strait, Grine et Moniz, J Hum Evol, 1997
- Chamberlain et Wood, J Hum Evol, 1987
- Chamberlain, thèse, 1987
- Lieberman, Pilbeam et Wood, J Hum Evol, 1996.
Les trois premiers cladogrammes concluent que Homo est un genre
monophylétique, alors que Homo serait paraphylétique
selon les trois autres. Utilisant le logiciel MacClade, Wood et Collard
concluent que la monophylie du genre Homo (tel qu'il est défini
aujourd'hui) repose sur des arguments fragiles, ainsi que le montre le
cladogramme consensuel qu'ils ont obtenu et qui indique que tous les Homo
n'ont pas un même ancêtre commun unique :
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Homo habilis et Homo rudolfensis ne sont
pas plus proches des autres Homo que des australopithécinés.
Ici Homo n'est pas monophylétique : or selon certains auteurs
un genre doit par définition être monophylétique.
Analyses des stratégies
adaptatives
Wood et Collard ont étudiés six critères, fonctionnels
car ils caractérisent des stratégies adaptatives :
1. La taille (en fait la masse corporelle)
Australopithécinés : 36 à 44 kg
Homo habilis : 34 kg
Homo sapiens : 53 kg
autres Homo : 53 à 76 kg
> Par son poids, Homo habilis est plus proche des
australopithécinés que des Homo.
2. Morphologie (d'après les proportions des membres)
Les proportions des membres de Lucy (Praeanthropus africanus
ou Australopithecus afarensis) et de Sts-14 (Australopithecus
africanus) sont plus proches de celles des Grands Singes actuels
que de celles des Hommes modernes.
Les proportions des membres de WT-15000 (un Homo ergaster)
sont plus proches de celles des Hommes modernes.
Les proportions des membres des Néandertaliens sont comprises
dans les intervalles de variation de l'Homme moderne.
Les proportions des membres de OH 62 et de ER 3735 (des Homo
habilis) sont plus proches de celles des Australopithèques
cités ci-dessus que de celles des Hommes modernes.
3. Locomotion (d'après l'anatomie des membres)
L'étude des os des mains de OH7 indique que Homo habilis
grimpait à la manière des singes.
Les bras relativement longs de OH62 et ER3735 montrent également
que Homo habilis était un grimpeur.
Les fossiles de Homo ergaster suggèrent au contraire
que lui était un bipède obligatoire.
Les fossiles d'Homininés peuvent être classés
en deux groupes sur la base des conclusions que la morphologie postcrânienne
permet d'établir à propos de la locomotion : le premier
groupe (Australopithecus, Paranthropus et Homo habilis)
associe un type de bipédie et l'arboricolisme. Le second
groupe (H. erectus, H. ergaster, H. heidelbergensis, H. neanderthalensis)
est déjà engagé dans une bipédie de
type moderne (semblable à la nôtre) et des capacités
très limitées pour grimper.
4. Appareil masticateur (taille relative des dents et des
maxillaires, par rapport à la surface orbitaire)
La taille absolue des dents et des mâchoires de Homo habilis
est petite. Mais rapportés à la surface orbitaire,
11 variables métriques rapprochent plus H. habilis
(mais aussi H. rudolfensis) des Australopithecus et
des Paranthropus que d'H. sapiens (par le calcul des
distances euclidiennes normalisées).
5. Vitesse de développement et période de croissance
La formation des racines des dents de OH16 (H. habilis)
est plus proche de celui des Grands Singes que de celui des humains.
Le développement des couronnes des dents de ER1590 (H.
rudolfensis) est plus proche de celui des singes que de celui
des humains. Le développement des dents et des fémurs
des Australopithecus est plus proche de celui des singes
africains que de celui de l'Homme moderne ; c'est le contraire pour
H. ergaster et H. neanderthalensis.
6. Capacité crânienne relative
La racine cubique de la capacité crânienne moyenne,
multipliée par 10 et rapportée à la racine
carrée de l'aire orbitaire moyenne, permet de classer les
différentes espèces :
2,39 pour P. aethiopicus
2,40 pour P. boisei
2,66 pour A. africanus
2,72 pour H. habilis
2,76 pour H. ergaster
2,76 pour H. rudolfensis
2,84 pour H. heidelbergensis
2,87 pour H. erectus
3,06 pour H. neanderthalensis
3,08 pour H. sapiens
Le choix de ce critère permet difficilement de séparer
ici de la même façon qu'avec les cinq autres critères.
Impossible en effet de classer H. habilis et H. rudolfensis
avec les Australopithèques. Wood et Collard choisissent
de scinder en trois groupes : H. erectus constitue un intermédiaire
entre les human-like (notre espèce et les Néandertaliens)
et les australopith-like (tous les autres). On pourrait objecter
qu'une classification plus traditionnelle est possible : Paranthropus
et Australopithecus dans un premier groupe, et les Homo
dans l'autre. Mais il serait plus objectif d'associer ici Australopithecus
à Homo.
Wood et Collard ne retiendront pas le critère n°6
dans leur nouvelle définition du genre humain.
Conclusion des analyses des espèces d'Homo selon
les 6 critères fonctionnels ci-dessus :
A = plus proche
des australopithèques que de l'homme moderne
H
= plus proche de l'homme moderne que des australopithèques
I
= intermédiaire
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taille
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carrure
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locomotion
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maxillaires et denture
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développement
|
volume cérébral
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H. rudolfensis |
?
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?
|
?
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A
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A
|
A
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H. habilis |
A
|
A
|
A
|
A
|
A
|
A
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H. ergaster |
H
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H
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H
|
H
|
H
|
A
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H. erectus |
H
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?
|
H
|
H
|
?
|
I
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H. heidelbergensis |
H
|
?
|
H
|
H
|
?
|
A
|
H. neanderthalensis |
H
|
H
|
H
|
H
|
H
|
H
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Au vu
du cladogramme consensuel qu'ils ont établi et de l'analyse
basée sur des considérations fonctionnelles et résumée
par cinq des six critères ci-dessus, Wood et Collard concluent
que H. habilis et H. rudolfensis doivent être
retirés du genre Homo, pour être sans doute
incorporés au genre Australopithecus en attendant
un genre éventuellement plus approprié.
Tobias (1964),
Howell (1965) et Walker (1976) proposaient également une
conclusion identique quant à la position taxonomique des
habilinés.
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Afin de rendre au genre Homo une signification phylogénétique
(monophylétique : un seul ancêtre commun) et adaptative,
Wood et Collard en proposent une nouvelle définition
: un fossile y serait inclus
- s'il est plus apparenté à H. sapiens qu'aux
australopithèques (Australopithecus, Paranthropus, Praeanthropus,
Ardipithecus)
- si sa masse corporelle est plus proche de celle d'H. sapiens
que de celle des australopithèques
- si ses proportions corporelles sont plus proches de celles d'H.
sapiens que de celles des australopithèques
- si son squelette postcrânien est en faveur d'une locomotion
bipède et peu arboricole
- si les mensurations relatives de ses mâchoires et de ses
dents sont plus proches de celles d'H. sapiens que de celles
des australopithèques
- si sa période de croissance et son développement
sont proches de ceux d'H. sapiens.
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