Le Gravettien est un des faciès culturels du Paléolithique supérieur. Il doit son nom au site de la Gravette, en Dordogne (France), et s'étale de 29 000 BP (before present, c'est à dire avant le présent) ou 27 000 BP à 22 000 BP. Il précède donc le Maximum glaciaire (ou Second Pléniglaciaire) qui a débuté vers 22 000 BP. Façonné par des Hommes anatomiquement modernes, il est également appelé Périgordien supérieur. Il présente des affinités avec le Châtelperronien, ou Périgordien ancien, qui est une des cultures des Hommes de Neandertal. Le Pavlovien est du Gravettien d'Europe orientale.
L'outillage, lithique et osseux, comporte des pointes (fléchettes de Bayac, pointes de la Gravette), des burins particuliers, des microgravettes et des lamelles à dos. Mais le Gravettien est surtout connu pour ses Vénus, dont l'une des plus belles est celle de Willendorf, une statuette en calcaire oolithique de 11,1 cm de hauteur datant de 26 000 à 24 000 BP (1). Elle est aujourd'hui au Naturhistorisches Museum de Vienne. Mais j'aime tout particulièrement la "Dame à la capuche" de Brassempouy (2).
Le
Gravettien a également donné des dessins de mains négatives
(3). Elles sont peintes selon la technique du pochoir, le plus souvent
en noir ou en rouge, parfois en jaune, exceptionnellement en blanc. On relève
une majorité de mains gauches. Les mains sont parfois petites, sans
doute celles d'enfants, et une main de Lascaux est celle d'un nourrisson.
A Cosquer, deux mains ont été datées de 27100 BP. La
grotte de Gargas donne une date de 26 900 BP. Les doigts y sont incomplets,
ce qui a été interprété
comme une mutilation rituelle (Henri Breuil) ou pathologique (Ali Sahly).
Mais certains spécialistes pensent plutôt qu'il s'agit de dessins
de doigts repliés (André Leroi-Gourhan), signature du clan ou
code de communication. Une récente
découverte relance le débat.
La grotte Cosquer a été fréquentée
à deux reprises. Les visiteurs de la seconde période (entre
19 200 et 18 500 BP), qui dessinaient des signes de type Placard
et des hommes blessés, ont détruit ou surchargé
les dessins des mains (4), comme s'ils y avaient décelé
une magie dangereuse (Jean Clottes).
Le motif des mains négatives à doigts incomplets est rare et
trop particulier pour réapparaître par hasard à des milliers
d'années d'intervalle. Il semble donc partout daté du Gravettien.
Plusieurs
sépultures * gravettiennes
sont caractérisées par l'utilisation de l'ocre, par la présence
fréquente d'ornements personnels élaborés et habituellement
par l'association à des ossements d'herbivores utilisés comme
couvertures de tombeaux. Ces éléments suggèrent qu'il
s'agissait de tombes de personnages jouant un rôle important dans leur
société ou alors de celles de leurs enfants. La
sépulture pavlovienne de Brno II, en Moravie, récapitule toutes
ces caractéristiques. Datant de 25 000 BP, elle contient les restes
d'un homme d'âge moyen et une riche collection de colliers, d'objets
gravés et de figurines d'ivoire, dont une statuette
en ivoire intéressante à plusieurs titres. Tout d'abord il s'agit
d'une figurine masculine, ce qui est relativement rare dans la sculpture paléolithique.
C'est ensuite son ancienneté qui est remarquable. Enfin elle représente
un cas unique dans le paléolithique du point de vue technique, puisqu'elle
a été montée par l'assemblage de plusieurs parties (tête,
torse, bras et jambes) comme une poupée articulée.
Un chercheur tchèque, Martin Oliva, s'étonne des analogies de
la tombe de Brno II avec le chamanisme attesté historiquement et il
y voit vraisemblablement la tombe d'un chamane, car "à la différence
d'un chasseur gravettien, lui seul a été enterré en plein
air à l'extérieur de l'habitat, seulement équipé
pour le monde de l'au-delà d'objets inutilisables comme arme ou comme
armement".
L'art
gravettien d'Europe orientale prolonge l'art aurignacien (mêmes thèmes,
mêmes supports : statuettes), alors que plus à l'ouest, dans
le midi de la France, l'animal chassé remplace le thème de l'animal
fort et dangereux de l'Aurignacien (Jean Clottes).
Au niveau technologique, il est noté un saut important de l'Aurignacien
au Gravettien : armes et outils sont plus légers, plus complexes et
mieux adaptés.
La population gravettienne semble autochtone, "métissage de pré-Aurignaciens et d'Hommes modernes" selon Marcel Otte. La généticienne Ornella Semino suppose cependant d'après l'étude de 1000 chromosomes Y actuels que les Gravettiens seraient arrivées du Moyen-Orient (mais elle date cette migration de 22 000 BP.
Soffer et Grigor'ev ont comparé en 1993 les sites gravettiens de Willendorf (Autriche), Pavlov (Moravie), Kostenki et Avdeevo (Russie) et y ont repéré des témoins archéologiques communs : habitations en os de mammouths, couteaux kostenkiens en pierre, statuettes. Ils estiment avoir ainsi repéré un mouvement migratoire des Gravettiens de l'Autriche vers la Russie au début de la dernière glaciation. Marcel Otte évoque cette migration "vers le nord" en ajoutant que quand survient le Maximum glaciaire, les Gravettiens "sont retournées vers le sud". Dolukhanov a établi en 2000 que la plaine de Russie centrale comprenait une densité maximale de sites habités vers 18 000 BP lors du Maximum glaciaire et il en conclut que cette "zone périglaciaire orientale" constituait un refuge grâce à son climat moins rigoureux. L'autre refuge principal en Europe lors du Maximum glaciaire serait le Pays basque.
Lart paléolithique
présente de nombreux cas de superpositions de figures dépoques
successives. Mais rarement, la supersposition s'accompagne de la destruction
des uvres initiales. Dans la grotte Chauvet (salle du Crâne),
des visiteurs gravettiens ou solutréens ont ainsi barré le cervidé
aurignacien avant de le recouvrir d'un mammouth et d'un cheval. Un autre cervidé
porte lui aussi des marques sur le corps, cette fois, sans ajout de nouvelles
figures. (...) Certains des cervidés du panneau des Rennes,
situé dans la salle Hillaire, présentent eux aussi des traces
deffacement. Il y aurait donc une volonté délibérée
des derniers visiteurs deffacer les cervidés peints quelques
millénaires plus tôt par les Aurignaciens.
Cette manifestation tangible du refus dun individu ou dun groupe
à légard de certains sujets particuliers conforte lidée
selon laquelle les représentations paléolithiques ont une signification
symbolique et quelles ne sont pas de simples imitations gratuites de
la nature.
voir l'article
d'Emmanuel Guy retour
au texte sur les Gravettiens