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PALÉOPATHOLOGIE
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 bonjour,

 Je m'appelle Kévin, j'ai 10 ans ; il me faut pour l'école faire un exposé sur les maladies de la  préhistoire. Je suis allé sur internet mais il y a tellement de sites que je n'arrive pas à savoir  quelles sont les maladies. Pourriez-vous m'aider ?
 merci beaucoup
photo M. Hofer
Kabwe (Zambie) Homo sapiens archaïque ancien (ou Homo heidelbergensis) :
Le crâne BH 1 présente des lésions dentaires (imputées à des caries ou à une intoxication chronique par le plomb dont les stigmates sont également notés dans le fémur E 793) et une lésion de l'écaille temporale d'origine infectieuse plutôt que traumatique (une blessure à cet endroit serait mortelle, or cette perforation s'est cicatrisée).
     

Bonjour Kévin,

La science qui étudie les maladies d'avant est la paléopathologie.
Il est très difficile de connaître avec certitude les maladies des hommes préhistoriques puisqu'on ne retrouve que leurs os et leurs dents : impossible dans ce cas de prouver qu'ils pouvaient souffrir d'angine ou d'appendicite.
On peut cependant étudier les maladies qui affectent les dents et les os : on a retrouvé des cas de torticolis congénitaux, de carie, d'arthrose, et des fractures. On a retrouvé sur des dents des traces d'intoxication par le plomb, mais ça devait être très rare (puisqu'il y avait nettement moins de pollution à l'époque).
On peut aussi savoir depuis quand un microbe existe en étudiant les gènes des microbes d'aujourd'hui.

Les hommes préhistoriques qui appartenaient à la même espèce que nous (des Homo sapiens, aussi appelés Hommes modernes) devaient avoir en gros les mêmes maladies que nous puisqu'ils avaient le même corps que nous.
Les autres hommes préhistoriques (Hommes de Neandertal, Homo erectus, Homo habilis) et leurs ancêtres (Australopithèques) ont dû avoir des maladies qui ressemblent aux maladies qu'attrapent les hommes et les singes d'aujourd'hui.
Bien sûr, certaines maladies d'aujourd'hui n'existaient pas à l'époque : on sait par exemple que le sida et la maladie de la vache folle sont apparus il y a quelques dizaines d'années seulement. C'est sans doute vrai pour d'autres maladies.

Les hommes préhistoriques n'étaient en contact qu'avec des produits naturels, et toujours les mêmes : les allergies devaient donc être très rares. (?)

On pense, mais ce n'est qu'une hypothèse, que les maladies virales (maladies dues à des virus) étaient plus rares qu'aujourd'hui, et qu'il y avait plus de maladies dues à des parasites ou des champignons microscopiques. (Virus, bactéries, parasites et champignons microscopiques sont les différentes sortes de microbes).

Les hommes vivaient beaucoup moins longtemps qu'aujourd'hui : toutes les maladies liées au vieillissement étaient donc plus rares : certains cancers, et l'hypertension, les infarctus.

Le mode de vie intervient sur beaucoup de maladies : les hommes préhistoriques mangeaient de la viande d'animaux sauvages, donc moins grasse : ils avaient moins de cholestérol ;
ils ne fumaient pas, forcément, donc avaient moins de cancer, et moins d'infarctus ;
ils faisaient plus d'efforts physiques que nous : ils avaient moins souvent du diabète, moins souvent du cholestérol, moins souvent des infarctus.

Par contre, ils ne connaissaient pas les antibiotiques (mais ce fut le cas même après la préhistoire, puisqu'on n'utilise les antibiotiques que depuis 1930 ou 1940) : une légère blessure, une carie (?) ou une pneumonie étaient souvent mortelles à l'époque ! Heureusement ce n'est plus le cas de nos jours.

La vie était très dure à l'époque : les accidents de chasse et les fractures devaient être fréquentes. Les blessures s'infectaient plus qu'aujourd'hui. Et les fractures laissaient souvent les gens handicapés. Il était plus difficile d'obtenir de la nourriture, et certains hommes préhistoriques souffraient de la famine.

Par contre, pendant la longue première partie de la préhistoire, l'homme ne connaissait pas la guerre, qui n'a été inventée que tardivement, presqu'à la même période que l'agriculture, la poterie, les villes et les villages. De la première partie de la préhistoire, appelée paléolithique, on ne possède que de très très rares exemples de blessures volontaires. Alors que les preuves d'agressions et de batailles deviennent nombreux à partir de la deuxième partie de la préhistoire, le néolithique.

Voilà. Je n'en sais pas beaucoup plus. Bonne chance pour ton exposé.

Thierry Koltes

adresse : ma.prehistoire@free.fr

Photo Ralph Solecki
Shanidar 1, Homme de Neandertal (Iraq) :
il présente une fracture du plancher de l'orbite gauche, une atrophie du membre supérieur droit et une dégénérescence de l'extrémité du membre inférieur droit.
     
(c) by Zollikofer et al. PNAS M. Ponce de Leon. C. Zollikofer
Saint-Césaire (Charente-Maritime, France) : encore un Néandertalien. En jaune : les os retrouvés. En blanc : les os manquants. La reconstitution numérique de ce crâne a permis à Christof Zollikofer de mettre en évidence une fracture de 68 mm (entre les flèches). La forme de l'impact indique qu'elle fut causée par un coup volontaire porté de haut en bas à l'aide d'un outil tranchant. La blessure a cicatrisé et le blessé a survécu, au moins quelques mois. Il s'agit du seul exemple de violence volontaire de tout le Paléolithique. (PNAS, 99, 2002 : 6444)
(c) by F. Semah. IPH. MNHN
Sangiran (Java) : jeune Homo erectus (500 000 ans). La fracture de la mandibule a cicatrisé en mauvaise position. Le blessé n'a pas pu mâcher pendant la période de cicatrisation : il n'a pu survivre qu'en se nourrissant de bouillie : a-t-il bénéficié de la solidarité de ses semblables ?
 
 
 
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  D'après Jacques Marseille, Nouvelle Histoire de la France - 1 : Aux origines de la France, Le Robert / France Loisirs, 1997 (sauf le Néandertalien du Vaucluse) :

 * L'Homme de Tautavel Arago XXI (Homo heidelbergensis), mort à l'âge de 20 ou 21 ans, a subi l'avulsion dentaire traumatique de la  première prémolaire supérieure droite, 4 ou 5 ans avant son décès.

 * L'os pariétal d'un enfant de 9 ans découvert dans la grotte du Lazaret (Nice) et datant de 120 000 à 140 000 ans comporte  l'empreinte d'une lésion, sans doute un méningiome, une tumeur qui a peut-être été la cause de la mort de l'enfant.

 * A La Chapelle-aux-Saints, un Néandertalien présente une subluxation congénitale de la hanche gauche, une cervicarthrose et une  fracture costale avec un cal récent : l'individu est certainement mort d'un traumatisme thoracique.

 * Les Néandertaliens de La Ferrassie ont subi des rhumatismes, des fractures, des déformations et des infections : le sujet de sexe  masculin présente une arthropathie de l'articulation sacro-iliaque gauche (bassin), un traumatisme du grand trochanter droit (fémur) et  de  l'articulation radio-cubitale supérieure droite (fracture du coude) ; l'individu féminin a un genu valgum et a été atteint d'une  ostéomyélite (infection de l'os) du péroné droit dans son enfance.

* Un Néandertalien de Bau de l'Aubesier (Vaucluse, 180 000 ans) souffrait d'infections ayant déchaussé ses dents au point qu'il ne  pouvait que se nourrir de bouillie.

  * L'étude comparative des dents des Néandertaliens et des Hommes modernes a permis à Erik Trinkaus de conclure que 75% des  Hommes de Neandertal possédaient un émail mince, indice de carences alimentaires, alors que seuls 30% des Homo sapiens  avaient un émail aminci. Faux, répond Jean-Louis Heim, qui précise que s'ils avaient souffert de telles carences alimentaires, les  Néandertaliens auraient disparu bien plus tôt.

  * Les fossiles d'Hommes modernes ne présentent pas de signe de grave carence alimentaire. Il n'y a par exemple pas de rachitisme. On  note des stigmates d'arthrose et d'entorse. Une femme qui possède deux dents surnuméraires au niveau du maxillaire supérieur a souffert d'un abcès de la racine de la première molaire droite ayant évolué en ostéite (infection de l'os). Elle a dû également se plaindre d'un sacrum asymétrique et d'une scoliose.

     
Les Néandertaliens Shanidar 3 et 5 et la Néandertalienne de La Quina présentent également des pathologies, de même que les Hommes modernes suivants : l'enfant Skhül 1, le quadragénaire Skhül 9, Qafzeh 11 qui a une lésion osseuse, Dolní Vêstonice XV et XVI, Les Cottés et Cro-Magnon 2.      
L'aimable contribution de Zaf me permet d'ajouter parmi les rares blessures connues du Paléolithique celle qui fut responsable de la mort d'une jeune fille de Grimaldi, dont le squelette porte une pointe de silex dans la colonne vertébrale. Médecin et amateur de préhistoire de longue date, Zaf estime que les Paléolithiques étaient probablement beaucoup plus pacifiques que ce que nous le pensons à priori. Grâce à son érudition j'apprends que la cause du décès de l'Homme de Cro-Magnon est connue depuis 1981 : il s'agit non pas d'une actinomycose comme on le supposait jusqu'alors, mais d'un granulome éosinophile développé dans le cadre d'une histocytose X (passer la souris sur la photo ci-contre). Des lésions radiologiques caractéristiques ont été mises en évidence sur le crâne, la mandibule, le fémur et les côtes. Concernant les allergies, Zaf signale avec justesse que des produits tout à fait naturels comme les pollens induisent des allergies, et que l'on peut également penser qu'à l'époque les fourrures devaient être à l'origine d'un certain nombre de sensibilisations. Mais je pense qu'il est cependant possible que les allergies soient plus fréquentes de nos jours parce que les progrès de l'hygiène et de la médecine ont diminué le nombre de microbes : notre système immunitaire n'aurait plus assez d'antigènes à "se mettre sous la dent" et son fonctionnement en serait modifié, provoquant les allergies. Selon cette hypothèse, il y aurait moins d'allergies dans les cultures "naturelles" (préhistoire, mais aussi peuples non urbanisés) que dans nos sociétés aseptisées. L'apparition de nouveaux antigènes (produits étrangers ; produits artificiels) serait également un facteur d'apparition d'allergies. Concernant les caries et les blessures légères, Zaf estime qu'elles n'étaient pas souvent mortelles. A sa connaissance personne n'est jamais mort d'une carie. Il ajoute avec lucidité que les caries, si elles n'étaient pas inconnues, étaient assez rares en raison de l'absence de sucre dans l'alimentation qui nécessitait une mastication énergique. Pour Sophie de Beaune, il n'y aurait pas de carie au Paléolithique. Les blessures, quand elles étaient légères (ou moyennement graves), ne devaient pas non plus selon Zaf poser de gros soucis : les antibiotiques étaient certes inconnus mais "les Paléolithiques avaient, comme beaucoup de primitifs actuels, des capacités de défense inimaginables pour les peuples sur-protégés dont nous faisons partie". Zaf avance les exemples, entre autres, "de la cicatrisation des trépanations néolithiques et la survie de l'homme de Saint-Césaire à une blessure qui a ouvert le cuir chevelu, fracturé la boite crânienne et certainement déchiré les méninges". Mais bien sûr une blessure, quand elle était gravement infecté, présentait un risque nettement plus important d'être mortelle que de nos jours. Zaf ajoute que les cas attestés de survie prolongée après de graves blessures impliquent une solidarité active et probablement aussi l'existence d'un langage.
     
La mortalité infantile devait être très élevée, la rigueur du climat ne permettant la survie que des enfants nés au printemps ou au début de l'été. Ce cas s'observe encore dans quelques groupes isolés du Haut Himalaya.
                                                                                           Zaf

Yves Coppens signale la tuberculose osseuse, l'arthrose, la lèpre et la syphilis non vénérienne parmi les pathologies humaines de la préhistoire (conférence au Festival International de Géographie de Saint-Dié-des-Vosges, 8 octobre 2000).

     
Les Hommes du Paléolithique atteignaient-ils la cinquantaine ?
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Sophie A. de BEAUNE (1995) Les hommes au temps de Lascaux. Hachette : p. 140-145.

Jean DASTUGUE & Véronique GERVAIS (1992) Paléopathologie du squelette humain. Boubée.

Pierre THILLAUD (1996) Paléopathologie humaine. Kronos B.Y.