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en
cherchant des poux sur les têtes
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les
poux témoins de la rencontre des Hommes modernes et des Hommes
archaïques
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La niche écologique actuelle de Pediculus humanus, le pou de tête, est justement et uniquement la tête de l'Homme moderne. Les changements subis par ce parasite ont forcément été influencés par les modifications qu'a rencontrées son hôte. Etudier le premier permet d'éclairer le passé du second. L'équipe de David L. Reed a donc comparé le matériel génétique (l'ADN mitochondrial) de nombreux poux répartis sur la planète. Les mutations observées permettent de déduire que cette espèce de pou est composée de deux lignées qui se sont séparées il y a environ 1,18 million d'années. La première lignée de poux (WW : Worldwide) a une répartition mondiale et semble avoir subi un goulot d'étranglement (diminution importante de sa population) il y a environ 100 000 ans, comme son hôte l'Homme moderne. La seconde lignée (NW : New World) n'occuperait apparemment plus aujourd'hui que l'Amérique du Nord et l'Amérique centrale et est demeurée sans contact avec la lignée mondiale depuis 1,18 Ma. La divergence entre les deux branches de poux est contemporaine de divisions au sein des premières espèces de Homo il y a 1,18 Ma : une lignée a produit l'Homme moderne, l'autre lignée a évolué en une espèce d'Homo aujourd'hui éteinte. La présence des deux types de poux sur la tête de l'Homme moderne actuel ne peut s'expliquer que par un contact physique direct et récent entre les hôtes respectifs de ces deux types de poux : l'Homme moderne a donc été en contact avec un Homme archaïque. Ce contact a pu se produire en Asie il y a 25 000 à 30 000 ans. David L. Reed (Florida Museum of Natural History, University of Florida), Vincent S. Smith (University of Glasgow), Shaless L. Hammond, Alan R. Rogers & Dale H. Clayton (University of Utah) (5 octobre 2004) "Genetic Analysis of Lice Supports Direct Contact between Modern and Archaic Humans". PLoS Biol 2(11): e340. ____________________________________________________ Cette
étude phylogénétique des populations de poux apporte-t-elle
des arguments permettant de départager les théories qui
tentent d'expliquer l'émergence de l'Homme moderne ? La
première théorie est la théorie multirégionale. Ce
modèle suggère qu'un flux de gènes existait entre
Hommes modernes, Néandertaliens et Homo erectus, conduisant
à un certain degré de continuité régionale.
La variante stricte de ce modèle propose que les origines de la
lignée de l'Homme moderne remontent à 2 Ma. Les caractères
modernes s'étendent géographiquement grâce à
des flux géniques intercontinentaux, tandis que les caractères
loco-régionaux se maintiennent grâce à des hybridations
entre Hommes modernes et Hommes archaïques. Précisons que
pour certains auteurs du modèle multirégional, l'espèce
Homo sapiens au sens biologique englobe Neandertal et erectus.
L'autre
théorie est celle du remplacement, ou Out of Africa. Elle soutient que l'Homme moderne émerge à partir d'un ancêtre archaïque en Afrique il y a environ 130 000 ans au décours d'une spéciation, et qu'il a remplacé les Hommes archaïques en Asie, en Afrique et en Europe sans hybridation entre les Hommes modernes et les Hommes archaïques. -
Stringer CB (2003) "Out
of Ethiopia". Nature 423: 692695.
Les
deux modèles connaissent de multiples variantes. Selon l'une des
deux principales variantes du modèle multirégional, la transition
vers l'Homme moderne s'est déroulée sur une zone géographique
étendue dépassant l'Afrique. Selon une autre variante, la
transition eut lieu d'abord en Afrique puis s'est étendue hors
d'Afrique par l'intermédiaire de flux de gènes. Cette dernière
hypothèse ressemble au modèle de la vague de diffusion (Eswaran,
2002) selon lequel une vague d'Hommes modernes a quitté l'Afrique
il y a environ 130 000 ans et a remplacé les Hommes archaïques
à travers un processus d'hybridations et de sélection naturelle.
_______________________________________________ Le modèle multirégional au sens strict (Wolpoff et al., 1994) exige un flux de gènes intercontinental continuel entre les populations éloignées géographiquement les unes des autres depuis leur première migration hors d'Afrique (env. 2 Ma BP). Ce flux continuel est nécessaire afin de maintenir l'homogénéité de l'espèce Homo sapiens. Cela ne correspond pas aux données obtenues sur les poux : l'étude de Reed montre en effet que les deux lignées de poux ont été isolées l'une de l'autre depuis 1,18 Ma sans échange de gène. Il n'y a aucune raison de penser que la rencontre de deux populations de poux aurait entraîné un échange de gènes moins important qu'une rencontre de deux populations humaines. Le
modèle du remplacement envisage l'isolement nécessaire entre
les deux populations puisqu'il propose que l'Homme moderne a quitté
l'Afrique il y a environ 100 000 ans, soit un million d'années
après qu'un Homme plus primitif ait quitté l'Afrique, et
que l'Homme moderne et son prédécesseur plus archaïque
ne se sont pas métissé. Selon
Templeton,
les gènes humains actuels ont connu
plusieurs sorties d'Afrique. En plus de la première sortie d'Homo
erectus documentée par les fossiles (il y a 1,8 million d'années),
Templeton conclut à l'existence de deux migrations principales
parties d'Afrique : l'une entre 420 000 et 840 000 ans, l'autre entre
80 000 et 150 000 ans. ___________________________________________________________ POURQUOI L'ASIE ? Le schéma de Reed et al. propose que l'espèce humaine éteinte associée à la lignée de poux NW est Homo erectus. Hoberg et al. (2001) rapportent que deux espèces de ténias humains ont divergé entre 0,78 et 1,71 Ma ; l'une des deux espèces, Taenia asiatica, ne vit qu'en Asie. Cela correspond au schéma de Reed, si l'on suppose que Taenia asiatica a évolué sur Homo erectus. Bien qu'on ne dispose pas des dates de divergence, on peut être intrigué par le fait que certaines souches de virus HTLV infectant les Amérindiens sont plus proches de souches infectant des Primates d'Asie que d'autres souches humaines d'HTLV, suggérant que ces virus humains ont une origine asiatique. Il reste à expliquer comment ces parasites ont rencontré l'Homme moderne. Les données parasitologiques, notamment la divergence ancienne des poux et des ténias, suggèrent qu'ils ont pu évoluer sur Homo erectus et qu'ils ont rencontré récemment l'Homme moderne (vraisemblablement il y a environ 25 000 ans en Asie, avant la colonisation du Nouveau Monde par le détroit de Béring). Si cela est avéré, cela implique qu'Homo erectus et l'Homme moderne ont été contemporains en Extrême-Orient, ainsi que l'ont proposé Swisher et al. (1996). Le débat sur les origines récentes de l'Homme est relancé. Hoberg
EP, Alkire NL, de Queiroz A, Jones A (2001) "Out of Africa: Origins
of the Taenia tapeworms in humans". Proc R Soc Lond B Biol Sci
268: 781787. Le texte ci-dessus est rédigé d'après l'article de D. L. Reed, V. S. Smith, S. L. Hammond, A. R. Rogers & D. H. Clayton (2004) "Genetic Analysis of Lice Supports Direct Contact between Modern and Archaic Humans". PLoS Biol 2(11): e340. Traduction : T. Koltes. ____________________________________________________ L'Homme moderne a vécu non seulement à la même époque que celle de ses proches cousins comme l'homme de Neandertal, mais également à une époque identique que celle d'autres Hominidés plus archaïques comme l'Homo erectus, une espèce avec laquelle nous n'avons pas d'ancêtre commun depuis plus d'un million d'années. C'est incroyable de savoir que nous avons eu un contact physique avec une autre espèce d'humains, observe David Reed dans un communiqué. Lorsqu'il a été déterminé que nous étions contemporains des Néandertaliens en Europe, on s'est demandé si notre contact avec eux n'avait pas précédé immédiatement leur disparition. Notre étude apporte la preuve que nous sommes entrés en contact avec l'Homo erectus en Asie, juste avant la disparition de cette espèce. Avons-nous provoqué la disparition de deux autres espèces d'humains ? (ou trois : erectus, neandertalensis et floresiensis ?) PAS D'ACCORD : Mark Stoneking (Institut Max Planck,
Anthropologie de l'évolution, Allemagne), fait de sérieuses
réserves
sur la façon dont les données phylogénétiques
ont été interprétées par Reed. L'estimation
de la date de la divergence est largement corrélée à
l'estimation de la taille de la population. "S'ils ont utilisé
un échantillon trop important pour estimer la taille de la population,
ils ont vieilli excessivement la date de la divergence". Par
ailleurs, "si les données de Reed sont combinées
avec les résultats d'autres études, l'hypothèse d'un
contact entre Homo sapiens et Homo erectus en Asie s'évanouit.
Par exemple, si la date de divergence de l'ADN mitochondrial des poux,
estimée à 1,2 million d'années, est due à
une population de poux plus grande ou à l'importante variation
associée à de telles estimations, il est possible que le
pou de tête ait suivi la même évolution que l'Homme
moderne. Dans ce cas, il n'y a aucune nécessité pour qu'il
y ait eu transfert de poux des Hommes archaïques vers l'Homme moderne". |
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