--- L'HOMO FAIT FLORES ---
découverte d'un nouveau (?)
petit homme

Vol 714 pour Sydney (Hergé)

photo : Nature, © P. Brown

autres photos

un nouvel arbre généalogique

Comparaisons des variables anatomiques

 

 
résumé de la revue de presse électronique
caractères modernes et archaïques de LB1
prehistoforum
résumés des articles princeps
références bibliographiques
datation
revue de presse électronique (suite) : le yéti
controverse : Henneberg, Jacob et Ross
le cerveau au scanner
les humains en Indonésie
Hobbit floresiensis (Hawks)


REVUE DE PRESSE

Peter Brown (Université de Nouvelle-Angleterre, Australie) et ses collaborateurs annoncent dans le numéro du 28 octobre 2004 de Nature la découverte d'un petit homme qui a vécu il y a environ 18 000 ans sur l'île de Flores, l'une des îles de la Sonde, entre Java et Timor, non loin de l'île de Komodo, en Indonésie.

Les fossiles mis au jour en septembre 2003 comportent notamment les restes d'un premier individu que les chercheurs ont baptisé LB 1, découverts à six mètres de profondeur : un crâne quasiment pas déformé et assez complet, une mandibule, un fémur, un tibia, la partie gauche d'un bassin, et des fragments d'autres os. Il ne manque principalement que les bras. L'étude du bassin indique que LB1 est bipède et apparemment de sexe féminin ; l'état des dents et des épiphyses permet de conclure qu'il s'agit d'un adulte. Les auteurs signalent également la prémolaire d'un autre individu, LB2, trouvée dans un niveau plus ancien. Ces ossements ont été découverts dans une grotte à Liang Bua ("grotte fraîche"), qui avait d'abord été fouillée par des amateurs dès 1965 puis par Michael Morwood et Radien Soejono à partir de 2001.

Les jambes de LB1 étaient fléchies sous ses cuisses. Il mesure à peu près un mètre, soit la hauteur d'un Chimpanzé, et son volume cérébral est de 380 cm3, de l'ordre de celui des Australopithèques (380 à 500 cm3) et des Chimpanzés (350 à 400 cm3), c'est-à-dire le quart du nôtre.

Les chercheurs sont persuadés qu'il ne s'agit ni d'un singe et ni d'un Homo sapiens de petite taille mais bien d'un individu adulte non pathologique. La réduction de la taille est due ici à un mécanisme différent de celui des Pygmées africains qui fait intervenir une diminution du taux du facteur de croissance IGF-1 ou d'une réceptivité diminuée à ce facteur au cours de la période de croissance. Les proportions crânio-faciales et la taille du cerveau des Pygmées sont comparables à celles des populations voisines de taille plus conventionnelle, alors que LB1 possède un cerveau de petite taille. De même, le nanisme hypophysaire et le nanisme microcéphale primitif (deux maladies des Hommes modernes) ne conduisent pas aux caractères squelettiques de LB1.

La forme du crâne permet de supposer que LB1 constituerait une branche issue d'Homo erectus, dont les derniers spécimens connus remontent au moins à -25000 ans. La découverte de LB1 "prolongerait donc la durée d'existence de cette branche asiatique du genre Homo". (Cyril Langlois) Mais LB1 ressemblerait plus aux H. erectus africains et à H. georgicus qu'aux H. erectus indonésiens.

Il serait cependant suffisamment différent d'Homo erectus et d'Homo sapiens pour constituer une nouvelle espèce aujourd'hui éteinte, Homo floresiensis, "l'Homme de Flores".

Il s'agit donc de la plus petite des dix espèces du genre Homo.

En 1998, Morwood rapporte avoir découvert à Mata Menge, sur Flores, des outils lithiques vieux d'environ 840 000 ans. Aucun fossile humain n'a été retrouvé près de ces outils mais cette découverte permet de penser qu'H. erectus est arrivé sur l'île à cette époque reculée. Or Flores a toujours été une île : la navigation serait donc un art très ancien.

H. erectus aurait subi une dérive génétique en raison de son isolement insulaire, sur Flores ou sur une île voisine d'où il serait venu. Le manque de nourriture et la surpopulation ont pu constituer une pression évolutive conduisant à la réduction de la taille. On peut ici encore discuter des mécanismes de l'évolution, darwinisme ou lamarckisme. Les îles (et en général les régions isolées) sont en tout cas célèbres pour leur capacité à accentuer la pression de sélection, notamment en raison de l'absence d'hybridation. Flores avait auparavant été l'habitat d'un proboscidien nain, le Stégodon.

L'évolution insulaire se traduit souvent par une réduction de taille chez les grands mammifères. La découverte d'Homo floresiensis illustre, "si l'on retient hypothèse de l'évolution insulaire, combien les modalités d'évolution de notre groupe sont semblables à celles des autres mammifères." Il n'est pas certain pour l'instant qu'Homo floresiensis ait acquis sa taille réduite sur l'île de Flores, "ou s'il descend d'une population d'Homininé de taille déjà réduite."

"La datation des sédiments et du charbon de bois trouvé en association avec les fossiles indique que ces individus existaient depuis plus de 38 000 ans, et que leur disparition ne remonte au plus qu'à 18 000 ans. Ils sont donc contemporains de notre espèce Homo sapiens." (C. L.)

H. sapiens qui a colonisé le sud de l'Asie il y a 100 000 ou 50 000 ans aurait pu côtoyer H. floriensis pendant quelques dizaines de milliers d'années et peut-être causer sa disparition, volontairement (un génocide) ou non (compétition). La question d'une éventuelle hybridation des deux populations peut se poser (s'agit-il donc dans ce cas de deux espèces différentes ?).

On a également mis au jour des outils sur éclats et des outils plus fins (pointes finement travaillées, lames, poinçons). Sont-ils l'œuvre d'H. floresiensis ou d'H. sapiens ?

Des restes d'animaux carbonisés ont également été retrouvés dans la grotte.

Cette découverte étend considérablement le champ de variabilité anatomique du genre Homo (Scientific American.com) , qui pourrait donc être soumis à la pression de la sélection naturelle au point de voir sa capacité crânienne se réduire, alors que la tendance des Hominidés fut depuis des millions d'années l'augmentation du volume crânien. Richard Potts avait déjà noté cette entorse à la règle en découvrant en 2004 le petit crâne de l'H. erectus d'Olorgesailie (Kenya). Le genre humain serait donc resté très malléable bien après son entrée dans la sphère de la culture. "L'homme est donc un animal comme les autres." (V. Zeitoun)

Marta Mirazon Lahr et Robert Foley (Cambridge) écrivent dans Nature combien ils sont sidérés qu'une espèce si différente de la nôtre ait pu nous côtoyer il y a si peu de temps. La domination monopolistique de notre espèce sur le globe est finalement plus récente que prévu.

d'après les articles de Brown, Wong et Dalton et d'après Ingham (traduction Koltes) et Langlois

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CARACTERES MODERNES ET CARACTERES ARCHAÏQUES

P. Brown et ses collègues affirment que LB1 "combine une mosaïque de traits primitifs, uniques, et dérivés qu'on ne rencontre chez aucun autre Homininé"

LB 1 associe ainsi des caractères modernes et des caractères archaïques :

1°) Caractères modernes : face petite et délicate, assez verticale (placée sous le cerveau et non projetée vers l'avant), dents de taille semblable aux nôtres, membres inférieurs fins, bipédie obligatoire de type moderne, appareil masticateur similaire, par sa taille relative et sa fonction, à celui des humains modernes

2°) Caractères archaïques : cerveau de petite taille, crâne assez allongé, boîte crânienne basse (largeur crânienne maximale basse), arcades sourcilières proéminentes, frontal fuyant et étroit en arrière des orbites, absence de menton, hanche d'Australopithèque

PREMIERES REMARQUES
Cette découverte d'une nouvelle population humaine fait d'abord songer à Linné : en même temps qu'il donnait un nom à notre espèce, Homo sapiens, il nommait Homo troglodytes une espèce d'homme mal défini mais qui correspondait aux témoignages de voyageurs qui avaient entendu parler d'hommes étranges, petits, vivant dans les forêts tropicales d'Afrique centrale et d'Indonésie. On pensait qu'il s'agissait en fait de témoignages à propos de chimpanzés ou d'orangs-outans. Et voilà qu'apparait Homo floresiensis, dans une île sur laquelle les autochtones parlaient eux aussi d'un homme-autre, Ebu Gogo, leur yéti local.
Ces sept individus nouveaux venus dans le genre Homo bouleversent les critères de notre genre. Avec 380 cm3 de capacité crânienne, ils sont nettement en-dessous du Rubicon cérébral de 600 cm3 établi il y a 40 ans comme frontière du genre Homo. Et les hésitations premières des inventeurs de Flores pour classer LB1 montrent bien que la limite entre les genres Australopithecus et Homo n'est pas toujours évidente. (cf.Wood et Collard sur l'attribution de habilis et rudolfensis à l'un ou l'autre de ces genres.)
Ne faut-il pas aussi évoquer la tendance qu'on attribuait jusqu'à présent aux Hominidés, tendance à grossir leur tête, comme si c'était leur "destinée"...(cf. : Teilhard de Chardin ; mais aussi la théorie des attracteurs de l'hominisation). Il est indéniable que la taille des têtes augmente depuis Toumaï, Orrorin et Lucy jusqu'à Neandertal et Cro-Magnon. (Pourquoi cette tendance ne concerne-t-elle pas les lignées de Pan et Gorilla ?). Mais à Flores, on repasse sous les 400 cm3 ! Si c'est une exception (expliquée peut-être par le phénomène du nanisme insulaire) qui confirme la règle, quelles sont les modalités de cette règle ? Flores montre en tout cas qu'elle n'est pas intangible.

d'après tk in prehistoforum

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LES ARTICLES ORIGINAUX

Brown P., Sutikna T., Morwood M. J., Soejono R. P. et al. (2004). "A new small-bodied hominin from the Late Pleistocene of Flores, Indonesia". Nature 431 (7012): 1055-1061

Morwood M. J., Soejono R. P., Roberts R. G., Sutikna T. et al. (2004). "Archaeology and age of a new hominin from Flores in eastern Indonesia". Nature 431 (7012): 1087-1091

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RÉSUMÉS DES ARTICLES ORIGINAUX

"A new small-bodied hominin from the Late Pleistocene of Flores, Indonesia", Nature 431 : pp 1055 - 1061
(28 octobre 2004)

P. BROWN1, T. SUTIKNA2, M. J. MORWOOD1, R. P. SOEJONO2, JATMIKO2, E. WAYHU SAPTOMO2 & ROKUS AWE DUE2

1 Université de Nouvelle-Angleterre, Australie
2 Centre archéologique indonésien, Jakarta

Il est généralement admis qu'Homo est le seul genre d'Homininés présent en Asie au Pleistocène, représenté par deux espèces, Homo erectus et Homo sapiens. Ces deux espèces sont caractérisées par un volume cérébral accru, une taille augmentée et des dents plus petites par rapport aux Australopithèques africains du Pliocène. Nous rapportons ici la découverte à Flores en Indonésie d'un Homininé adulte de la fin du Pléistocène, mesurant 1 mètre de hauteur et d'un volume endocrânien de 380 cm3, donc semblable aux plus petits Australopithèques connus. L'association de caractères primitifs et dérivés permet de créer pour cet Homininé une nouvelle espèce, Homo floresiensis. Son apparition sur l'île de Flores est le plus vraisemblablement due à un long isolement de ses ancêtres Homo erectus ayant conduit à une réduction de leur taille. H. floresiensis démontre que la variabilité et l'adaptabilité morphologiques du genre Homo sont plus importants que prévus.

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"Archaeology and age of a new hominin from Flores in eastern Indonesia", Nature 431, pages 1087 - 1091 (28 octobre 2004)

M. J. MORWOOD1, R. P. SOEJONO2, R. G. ROBERTS3, T. SUTIKNA2, C. S. M. TURNEY3, K. E. WESTAWAY3, W. J. RINK4, J.- X. ZHAO5, G. D. VAN DEN BERGH6, ROKUS AWE DUE2, D. R. HOBBS1, M. W. MOORE1, M. I. BIRD7 & L. K. FIFIELD8

1 Université de Nouvelle-Angleterre, Australie
2 Centre archéologique, Jakarta, Indonésie
3 Université de Wollongong, Nouvelles Galles du Sud, Australie
4 School of Geography and Geology, Hamilton, Ontario, Canada
5 Université de Queensland, Australie
6 Royal Netherlands Institute for Sea Research, Texel
7 Université St Andrews, Royaume-Uni
8 Australian National University, Canberra


Les fouilles de Liang Bua, une grande grotte calcaire sur l'île de Flores dans l'est de l'Indonésie, ont mis au jour les fossiles de plusieurs individus de petite taille, suffisamment différents anatomiquement pour constituer une nouvelle espèce, Homo floresiensis. Les découvertes comportent les restes crâniens et quelques restes post-crâniens d'un individu, ainsi qu'une prémolaire d'un autre individu trouvé dans un niveau plus ancien. Nous décrivons ici le contexte des fossiles, les conséquences de cette découverte et les questions en suspens. Les datations par radiocarbone (14C), luminescence, séries de l'uranium et résonance de spin (ESR) concluent que H. floresiensis a vécu avant 38 000 ans BP et au moins jusque 18 000 ans BP. Les dépôts associés contiennent des artéfacts lithiques et des restes animaux comprenant un dragon de Komodo et une espèce naine de Stégodon. H. floresiensis provient d'une ancienne expansion d'Homo erectus (intéressant des individus définis comme étant Homo ergaster et Homo georgicus) qui a atteint Flores, et a survécu sur cette île jusqu'il y a relativement peu de temps. Il fut contemporain de l'Homo sapiens de la région, sans que l'on sache si les deux espèces se sont métissées.

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AUTRES ARTICLES ET REVUE DE PRESSE

en anglais :
Marta Mirazón Lahr & Robert Foley, "Human evolution writ small", Nature, vol. 431, 2004 : 1043-4.
Rex Dalton, "Little lady of Flores forces rethink of human evolution", Nature, vol. 431, 2004 : 1029.
Michael Balter, "Skeptics Question Whether Flores Hominid Is a New Species", Science, vol. 306, 2004 : 1116.
Martin Kemp, "A hobbit-forming image", Nature, vol. 432, 2004 : 555.
Rex Dalton, "Looking for the ancestors", Nature, vol. 434, 2005 : 432-434.

en français :
Romain Pigeaud, "Un Homo erectus nain, possible contemporain de l'Homo sapiens", Archéologia, n° 417, 2004 : 4-5.
Rachel Fléaux-Mulot, "Le troisième homme", Sciences et avenir, n° 694, 2004 : 7-11.
Pierre Lagrange, "Flores : yéti y es-tu ?", Sciences et avenir, n° 694, 2004 : 12 & 14.
Anna Musso, "Grandes questions pour une si petite femme", La Recherche, n° 382, 2005 : 44-45.
Jean-Louis Hartenberger, "Il était un p'tit homme", Pour la science, n° 327, 2005 : 9.
François Marchal, "Floresiensis : l'homme que personne n'attendait", Science & Vie, n° 1048, 2005 : 38-45.
Anna Musso, entretien avec Teuku Jacob, La Recherche, février 2005 : 16-17.
Kate Wong, "Le plus petit humain", Pour La Science, n° 329, mars 2005 : 30-36.
Pierre Lagrange : "Chasse au yéti sur Florès ?", Pour La Science, n° 329, 2005 : 38-39.
Valéry Zeitoun : "Coup de bambou sur la paléoanthropologie en Asie du Sud-Est !", Dossiers d'Archéologie, n°302, avril 2005 : 2-5.

et le courrier de Jean Zammit à La Recherche (avril 2005 : page 6) dans lequel il s'amuse lui aussi avec l'expression "faire florès"...

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DATATION :

LB1 est associé avec des dates de 18 000 ans (calibrées) obtenues par AMS (spectromètre de masse couplé à un accélérateur de particules). Deux dates déterminées par des techniques de luminescence encadrent LB1 : 35 000 ± 4 000 et 14 000 ± 2 000.

LB2 a entre 37 500 et 88 000 ans.

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YETI
Les archéologues ont trouvé six autres individus de la même espèce. Ils sont caractérisés par de longs bras suggérant qu'ils vivaient dans les arbres. Des légendes de Flores évoquent l'existence de gens de petite taille appelés "Ebu Gogo" ("Grand-mère qui mange n'importe quoi"). Ces légendes parlent "d'humanoïdes aux longs cheveux, d'un mètre de haut, qui se parlent et sont capables de répéter les mots qu'ils entendent comme des perroquets. Les légendes les plus récentes datent du XXème siècle, ce qui laisse spéculer que cette espèce pourrait avoir existé récemment, ou même qu'elle serait encore présente dans les parties inexplorées de la forêt tropicale indonésienne". (slt)

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CONTROVERSES
News@nature.com rapporte qu'au total, huit individus ont déjà été découverts, déjà surnommés 'hobbits'. Michael Morwood (Université de Nouvelle-Angleterre), l'un des découvreurs, insiste sur le fait que LB1 n'est pas un cas pathologique : "Nous possédons à présent les restes d'au moins sept individus, tous sont petits et tous peuvent être rapportés à Homo floresiensis." (Science) Mais Valéry Zeitoun note que "le nanisme hypophysaire s'exprime d'autant plus dans une population à forte endogamie" et que dans le cas de Flores, la découverte de plusieurs individus similaires ne permet pas de trancher entre absence ou non de pathologie...Il ajoute que le tibia présente une légère flexion, caractère connu en cas de nanisme. Maciej Henneberg estime que LB1 ressemble à un crâne microcéphale découvert en Crète et âgé de 4 000 ans. Brown avait écarté l'hypothèse d'un nanisme microcéphale primitif. Mais Henneberg propose l'hypothèse d'une microcéphalie secondaire. Henneberg n'a cependant pas examiné LB1 sur pièces. Teuku Jacob, qui lui a cette chance (c'est lui qui est chargé de leur étude), pense lui aussi qu'il s'agit d'un petit crâne d'Homme moderne, pygmée et microcéphale. Leslie Aiello estime cependant que les os post-crâniens ne sont pas modernes : "Le bassin ressemble à celui des Australopithèques, et les bras sont longs par rapport aux jambes." Chris Stringer lui non plus ne considère pas que LB1 soit un Homme moderne. Susan Antón estime que LB1 ne ressemble pas aux H. sapiens microcéphales mais plutôt à un H. erectus (éventuellement atteint de microcéphalie ou de carence nutritionnelle). Pauline Ross, qui confirme au contraire la ressemblance de LB1 et du crâne crétois par une étude statistique de 15 variables métriques, a de plus calculé la taille d'un individu de Liang Bua à partir d'un radius trouvé dans cette grotte : l'os mesure 210 mm et permet d'estimer la taille entre 151 et 162 cm, ce qui correpond à un Homme moderne de taille conventionnelle. Selon Teuku Jacob, l'Homme de Flores mesurait 120 cm et sa capacité crânienne serait plutôt de 430 cm3. Toujours d'après ce chercheur de l'université de Yogyakarta, LB 1 serait non pas une femme de 30 ans mais un homme de 25 ans ! Ses bras, ses jambes, son bassin, ses orbites et ses dents ont pour lui des caractères modernes, ce qui fait dire à Jacob que LB 1 est un Homo sapiens. Colin Groves et David Cameron pensent qu'il s'agirait plutôt d'un individu proche d'H. habilis en raison de son petit crâne et de son long col fémoral. Wolpoff propose même que ce soit un descendant d'Australopithèque.

Les tenants d'un LB 1 Homo sapiens : Maciej Henneberg, Teuku Jacob, Pauline Ross.

"Non, LB 1 n'est pas un Homme moderne" affirment au contraire Peter Brown, Leslie Aiello et Chris Stringer.

C'est un H. erectus (Susan Antón), un H. habilis (Groves et Cameron), un Australopithèque (Milford Wolpoff).

LE CERVEAU AU SCANNER
A partir d'images de scanner visualisant les empreintes laissées sur la face interne du crâne, l'équipe de Dean Falk (Florida State University) a créé un moulage virtuel du cerveau de l'Homme de Flores. En le comparant à des moulages endocrâniens d'autres Hominidés, d'Hommes atteints de microcéphalie, de Chimpanzés et de pygmées, ces chercheurs concluent que le cerveau de l'Homme de Flores est plus proche de celui d'un H. erectus que d'un H. sapiens, et ne correspond pas à un cas de microcéphalie ou de pygmée. Il possède des lobes temporaux très développés par rapport à sa taille et des lobes frontaux riches en circonvolutions. Le procédé de Falk estime la capacité crânienne à 417 cm3. (forum.archeo.info ; voir aussi Le Nouvel Observateur ; photo : cliquez ici).

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LES HUMAINS EN INDONESIE
Plusieurs espèces humaines ont foulé le sol indonésien :
- l'Homo erectus : il aurait vécu à Java de 1,8 à 1 million d'années ;
- l'Homo soloensis :
évolution locale du précédent selon un processus de dérive génétique semblable à celui qui a généré Néandertal en Europe, il aurait vécu à Java de 52 000 à 27 000 ;
- l'Homo floresiensis : V. Zeitoun résume qu'il peut être le descendant d'H. erectus, d'H. soloensis ou de Meganthropus ;
- H. sapiens
qui est présent à Java vers 40 000 (à Wadjak).
Ajoutons donc le mystérieux Meganthropus : il s'agit peut-être d'un H. erectus ; mais si ce Méganthrope n'appartient pas au genre humain tout en étant l'ancêtre d'H. floresiensis, ce dernier ne serait pas humain, souligne Zeitoun qui compare ce problème à celui du Kényanthrope ancêtre d'H. rudolfensis.

Les chercheurs proposent un nouvel arbre généalogique.
Comparaisons des variables anatomiques des Australopithèques, H. erectus, H. sapiens et H. floresiensis.

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John Hawks (Université du Wisconsin) a émis quelques remarques :

- LB1 a la taille et le volume cérébral d'un Australopithèque, mais H. floresiensis est trop éloigné géographiquement et chronologiquement du dernier Australopithèque pour être attribué à ce genre ;

- l'île de Flores n'a jamais été reliée au continent : faut-il conclure à l'existence de la navigation il y a 800 000 ans ?

- le seul argument pour faire de l'H. erectus javanais l'ancêtre de LB1 est sa proximité géographique et son antériorité dans le temps ;

- LB1 n'est pas un erectus : il ne possède en effet qu'un seul des huit caractères qui définissent erectus (la largeur maximale du crâne est située au niveau de a base du crâne)

- quand un Mammifère évolue vers un individu de taille réduite, le volume de son cerveau ne diminue pas d'autant (pour une réduction de taille de 50%, le cerveau ne perd que 10% de son volume) : le type de nanisme de LB1 avec cette microcéphalie est inhabituel, surtout pour un Primate.

- LB1 est une femme ; la taille moyenne de sa population est sans doute plus grande ;

- LB1 est-il un individu pathologique ? Habituellement, les personnes de petite taille ont un cerveau de volume normal ; les individus microcéphales (cerveau anormalement réduit) ont habituellement une taille normale ; il ne peut pas être exclu que LB1 soit un individu pathologique, mais aucun argument ne permet actuellement de conclure.

- Hawks propose finalement que LB1 soit considéré comme l'holotype d'une espèce Hobbit floresiensis appartenant à un genre nouveau représenté également par Homo habilis qu'il rebaptise Hobbit habilis pour en faire l'ancêtre de LB1.