bonjour,
Je m'appelle Kévin, j'ai 10 ans ; il me faut pour l'école
faire un exposé sur les maladies de la préhistoire. Je suis
allé sur internet mais il y a tellement de sites que je n'arrive pas
à savoir quelles sont les maladies. Pourriez-vous m'aider ?
merci beaucoup
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Bonjour
Kévin,
La science
qui étudie les maladies d'avant est la paléopathologie.
Il est très difficile de connaître avec certitude les
maladies des hommes préhistoriques puisqu'on ne retrouve que
leurs os et leurs dents : impossible dans ce cas de prouver qu'ils
pouvaient souffrir d'angine ou d'appendicite.
On peut cependant étudier les maladies qui affectent les dents
et les os : on a retrouvé des cas de torticolis
congénitaux, de carie, d'arthrose, et des fractures. On
a retrouvé sur des dents des traces d'intoxication par le plomb,
mais ça devait être très rare (puisqu'il y avait
nettement moins de pollution à l'époque).
On peut aussi savoir depuis quand un microbe existe en étudiant
les gènes des microbes d'aujourd'hui.
Les hommes préhistoriques qui appartenaient à la même
espèce que nous (des Homo sapiens, aussi appelés
Hommes modernes) devaient avoir en gros les mêmes maladies que
nous puisqu'ils avaient le même corps que nous.
Les autres hommes préhistoriques (Hommes de Neandertal, Homo
erectus, Homo habilis) et leurs ancêtres (Australopithèques)
ont dû avoir des maladies qui ressemblent aux maladies qu'attrapent
les hommes et les singes d'aujourd'hui.
Bien sûr, certaines maladies d'aujourd'hui n'existaient pas
à l'époque : on sait par exemple que le sida et la maladie
de la vache folle sont apparus il y a quelques dizaines d'années
seulement. C'est sans doute vrai pour d'autres maladies.
Les hommes préhistoriques n'étaient en contact qu'avec
des produits naturels, et toujours les mêmes : les allergies
devaient donc être très rares. (?)
On pense, mais ce n'est qu'une hypothèse, que les maladies
virales (maladies dues à des virus) étaient plus rares
qu'aujourd'hui, et qu'il y avait plus de maladies dues à des
parasites ou des champignons microscopiques. (Virus, bactéries,
parasites et champignons microscopiques sont les différentes
sortes de microbes).
Les hommes vivaient beaucoup moins longtemps qu'aujourd'hui : toutes
les maladies liées au vieillissement étaient donc plus
rares : certains cancers, et l'hypertension, les infarctus.
Le mode de vie intervient sur beaucoup de maladies : les hommes préhistoriques
mangeaient de la viande d'animaux sauvages, donc moins grasse : ils
avaient moins de cholestérol ;
ils ne fumaient pas, forcément, donc avaient moins de cancer,
et moins d'infarctus ;
ils faisaient plus d'efforts physiques que nous : ils avaient moins
souvent du diabète, moins souvent du cholestérol, moins
souvent des infarctus.
Par contre, ils ne connaissaient pas les antibiotiques (mais ce fut
le cas même après la préhistoire, puisqu'on n'utilise
les antibiotiques que depuis 1930 ou 1940) : une
légère blessure, une carie (?) ou une pneumonie
étaient souvent mortelles à l'époque ! Heureusement
ce n'est plus le cas de nos jours.
La vie était très dure à l'époque : les
accidents de chasse et les fractures devaient être fréquentes.
Les blessures s'infectaient plus qu'aujourd'hui. Et les fractures
laissaient souvent les gens handicapés. Il était plus
difficile d'obtenir de la nourriture, et certains hommes préhistoriques
souffraient de la famine.
Par contre, pendant la longue première partie de la préhistoire,
l'homme ne connaissait pas la guerre, qui n'a été inventée
que tardivement, presqu'à la même période que
l'agriculture, la poterie, les villes et les villages. De la première
partie de la préhistoire, appelée paléolithique,
on ne possède que de très très rares exemples
de blessures volontaires. Alors que les preuves d'agressions et de
batailles deviennent nombreux à partir de la deuxième
partie de la préhistoire, le néolithique.
Voilà. Je n'en sais pas beaucoup plus. Bonne chance pour ton
exposé.
Thierry Koltes
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adresse : ma.prehistoire@free.fr |
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Saint-Césaire (Charente-Maritime,
France) : encore un Néandertalien. En
jaune : les os retrouvés. En blanc : les os manquants. La reconstitution
numérique de ce crâne a permis à Christof Zollikofer de
mettre en évidence une fracture de 68 mm (entre les flèches).
La forme de l'impact indique qu'elle fut causée par un coup volontaire
porté de haut en bas à l'aide d'un outil tranchant. La blessure
a cicatrisé et le blessé a survécu, au moins quelques
mois. Il s'agit du seul exemple de violence volontaire de tout le Paléolithique.
(PNAS, 99, 2002 : 6444)
Shanidar
1, Homme de Neandertal (Iraq) :
il présente une fracture du plancher de l'orbite gauche, une atrophie
du membre supérieur droit et une dégénérescence
de l'extrémité du membre inférieur droit.
Kabwe (Zambie)
Homo sapiens archaïque ancien (ou Homo heidelbergensis)
:
Le crâne BH 1 présente des lésions dentaires (imputées
à des caries ou à une intoxication chronique par le plomb dont
les stigmates sont également notés dans le fémur E 793)
et une lésion de l'écaille temporale d'origine infectieuse plutôt
que traumatique (une blessure à cet endroit serait mortelle, or cette
perforation s'est cicatrisée).
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Sangiran (Java) : jeune Homo erectus
(500 000 ans). La fracture
de la mandibule a cicatrisé en mauvaise position. Le blessé
n'a pas pu mâcher pendant la période de cicatrisation : il n'a
pu survivre qu'en se nourrissant de bouillie : a-t-il bénéficié
de la solidarité de ses semblables ?








D'après Jacques Marseille, Nouvelle Histoire de la France
- 1 : Aux origines de la France, Le Robert / France Loisirs, 1997 (sauf
le Néandertalien du Vaucluse) :
* L'Homme de Tautavel Arago
XXI (Homo heidelbergensis), mort à l'âge de 20
ou 21 ans, a subi l'avulsion dentaire traumatique de la première
prémolaire supérieure droite, 4 ou 5 ans avant son décès.
* L'os
pariétal d'un enfant de 9 ans découvert dans la grotte du Lazaret
(Nice) et datant de 120 000 à 140 000 ans comporte l'empreinte
d'une lésion, sans doute un méningiome, une tumeur qui a peut-être
été la cause de la mort de l'enfant.
* A La Chapelle-aux-Saints,
un Néandertalien présente une subluxation congénitale
de la hanche gauche, une cervicarthrose et une fracture costale avec
un cal récent : l'individu est certainement mort d'un traumatisme thoracique.
* Les Néandertaliens
de La Ferrassie ont subi des rhumatismes, des fractures, des déformations
et des infections : le sujet de sexe masculin présente une arthropathie
de l'articulation sacro-iliaque gauche (bassin), un traumatisme du grand trochanter
droit (fémur) et de l'articulation radio-cubitale supérieure
droite (fracture du coude) ; l'individu féminin a un genu valgum et
a été atteint d'une ostéomyélite (infection
de l'os) du péroné droit dans son enfance.
* Un Néandertalien de Bau
de l'Aubesier (Vaucluse, 180 000 ans) souffrait d'infections ayant déchaussé
ses dents au point qu'il ne pouvait que se nourrir de bouillie.
* L'étude comparative
des dents des Néandertaliens et des Hommes modernes a permis à
Erik Trinkaus de conclure que 75% des Hommes de Neandertal possédaient
un émail mince, indice de carences alimentaires, alors que seuls 30%
des Homo sapiens avaient un émail aminci. Faux, répond
Jean-Louis Heim, qui précise que s'ils avaient souffert de telles carences
alimentaires, les Néandertaliens auraient disparu bien plus tôt.
* Les fossiles d'Hommes
modernes ne présentent pas de signe de grave carence alimentaire. Il
n'y a par exemple pas de rachitisme. On note des stigmates d'arthrose
et d'entorse. Une femme qui possède deux dents surnuméraires
au niveau du maxillaire supérieur a souffert d'un abcès de la
racine de la première molaire droite ayant évolué en
ostéite (infection de l'os). Elle a dû également se plaindre
d'un sacrum asymétrique et d'une scoliose.
Les
Néandertaliens Shanidar 3 et 5 et la Néandertalienne de La Quina
présentent également des pathologies, de même que les Hommes
modernes suivants : l'enfant Skhül 1, le quadragénaire Skhül
9, Qafzeh 11 qui a une lésion osseuse, Dolní Vêstonice XV
et XVI, Les Cottés et Cro-Magnon 2.
L'aimable contribution
de Zaf me permet d'ajouter parmi les rares blessures connues du Paléolithique
celle qui fut responsable
de la mort d'une jeune fille de Grimaldi, dont le squelette porte une pointe
de silex dans la colonne vertébrale.
Médecin et amateur de préhistoire de longue date, Zaf estime
que les Paléolithiques étaient probablement beaucoup plus pacifiques
que ce que nous le pensons à priori. Grâce à son érudition
j'apprends que la cause du décès de l'Homme de Cro-Magnon
est connue depuis 1981 : il s'agit non pas d'une actinomycose comme on le
supposait jusqu'alors, mais d'un granulome éosinophile développé
dans le cadre d'une histocytose X (passer la souris sur la photo ci-contre).
Des lésions radiologiques caractéristiques ont été
mises en évidence sur le crâne, la mandibule, le fémur
et les côtes. Concernant les allergies,
Zaf signale avec justesse que des produits tout à fait naturels comme
les pollens induisent des allergies, et que l'on peut également penser
qu'à l'époque les fourrures devaient être à l'origine
d'un certain nombre de sensibilisations. Mais je pense qu'il est cependant
possible que les allergies soient plus fréquentes de nos jours parce
que les progrès de l'hygiène et de la médecine ont diminué
le nombre de microbes : notre système immunitaire n'aurait plus assez
d'antigènes à "se mettre sous la dent" et son fonctionnement
en serait modifié, provoquant les allergies. Selon cette hypothèse,
il y aurait moins d'allergies dans les cultures "naturelles"
Sophie A. de BEAUNE (1995) Les hommes au temps de Lascaux. Hachette
: p. 140-145.
Jean DASTUGUE & Véronique GERVAIS (1992) Paléopathologie
du squelette humain. Boubée.
Pierre THILLAUD (1996) Paléopathologie humaine. Kronos B.Y.
La
mortalité infantile devait être très élevée,
la rigueur du climat ne permettant la survie que des enfants nés au printemps
ou au début de l'été. Ce cas s'observe encore dans quelques
groupes isolés du Haut Himalaya.
Zaf

(préhistoire,
mais aussi peuples non urbanisés) que dans nos sociétés
aseptisées. L'apparition de nouveaux antigènes (produits étrangers
; produits artificiels) serait également un facteur d'apparition d'allergies.
Concernant les caries et les blessures légères,
Zaf estime qu'elles n'étaient pas souvent mortelles. A sa connaissance
personne n'est jamais mort d'une carie. Il ajoute avec lucidité que
les caries, si elles n'étaient pas inconnues, étaient assez
rares en raison de l'absence de sucre dans l'alimentation qui nécessitait
une mastication énergique. Pour Sophie de Beaune, il n'y aurait pas
de carie au Paléolithique. Les blessures, quand elles étaient
légères (ou moyennement graves), ne devaient pas non plus selon
Zaf poser de gros soucis : les antibiotiques étaient certes inconnus
mais "les Paléolithiques avaient, comme beaucoup de primitifs
actuels, des capacités de défense inimaginables pour les peuples
sur-protégés dont nous faisons partie". Zaf avance
les exemples, entre autres, "de la cicatrisation des trépanations
néolithiques et la survie de l'homme de Saint-Césaire à
une blessure qui a ouvert le cuir chevelu, fracturé la boite crânienne
et certainement déchiré les méninges". Mais
bien sûr une blessure, quand elle était gravement infecté,
présentait un risque nettement plus important d'être mortelle
que de nos jours. Zaf ajoute que les cas attestés de survie prolongée
après de graves blessures impliquent une solidarité
active et probablement aussi l'existence d'un langage.
Yves
Coppens signale la tuberculose osseuse, l'arthrose, la lèpre et la syphilis
non vénérienne parmi les pathologies humaines de la préhistoire
(conférence au Festival International de Géographie de Saint-Dié-des-Vosges,
8 octobre 2000).