De nombreuses découvertes de grottes mettent en scène un animal qu'un fin observateur a su remarquer. Aussi la découverte de la grotte de Vogelherd (Stetten ob Lonetal) est-elle attribuée à un blaireau qui a ramené à la surface des morceaux de silex et qui a attiré en 1931 le regard du chercheur Hermann Mohn. Celui-ci identifia les outils et prévint Gustav Riek de l'université. Ce dernier dirigera les fouilles. Il retirera 300 mètres cubes de sédiments en seulement 3 mois.
Les ossements d'Homo sapiens qui furent ainsi découverts en 1931 à Vogelherd en même temps que 11 sculptures aurignaciennes en ivoire de mammouth ont longtemps été les meilleurs arguments pour relier la culture aurignacienne à l'Homme moderne (Homo sapiens).
Les
informations publiées par Riek parlaient d'une indubitable association
des restes humains et des artefacts aurignaciens.
En raison de la découverte de restes humains modernes avec des artefacts
aurignaciens à Cro-Magnon en 1868, l'Homme moderne était d'ailleurs
considéré comme l'auteur de la culture aurignacienne. Une récente
datation (2002) du collier de Cro-Magnon attribue maintenant les squelettes
de Cro-Magnon à la culture gravettienne. Qu'en est-il des ossements
de Vogelherd ?
Cinq des ossements humains découverts en 1931 à Vogelherd ont été récemment datés par la technique AMS (carbone 14) au Leibniz Laboratory : le crâne et la mandibule de Stetten 1, le crâne de Stetten 2, une vertèbre de Stetten 4 et un humérus de Stetten 3. La mandibule a été datée deux fois. Les six mesures effectuées concordent et font remonter les Hommes modernes de Vogelherd au Néolithique : entre 3980 +/- 35 et 4995 +/- 35 BP.
La couche dans laquelle les sculptures ont été découvertes date pourtant bien d'il y a environ 34 000 à 30 000 ans BP selon la datation "brute", ce qui correspond à une date de l'ordre de 40 000 ans BP une fois que l'on a calibré la date brute par la technique U-Th (Uranium-Thorium). En plus des six datations d'os humains, le Leibniz Laboratory a effectivement fourni 26 autres datations Carbone 14, d'os animaux cette fois. Ces datations ont comme prévu donné des dates paléolithiques. Bien que les sculptures elles-mêmes n'ont pas été directement datées, elles remontent assurément à cette période.
Ces sculptures appartiennent au même style artistique que des sculptures animales découvertes dans d'autres sites du sud de l'Allemagne dans des couches proches de près de 30000 BP (Geissenklosterle, Hohlenstein, Hohle Fels, etc.). Il n'y aucun témoignage néolithique dans ces couches. Ces autres sites ne renferment que des artefacts aurignaciens. (Les sépultures néolithiques renferment pourtant souvent des artefacts néolithiques).
Il est donc logique car plus économique pour la pensée de conclure que c'est le squelette humain néolithique de Vogelherd qui est intrusif, c'est-à-dire qui a été enterré au sein d'une couche d'un âge différent, et non les oeuvres d'art.
Il
est compréhensible que le caractère intrusif ne fut pas mis
en évidence lors des fouilles en 1931, les analyses micro-stratigraphiques
détaillées n'avaient alors pas cours. Nous avons vu que Riek
avait remué 300 mètres cubes de sédiments en 3 mois,
quand Hahn à Geissenkloesterle se contentait consciencieusement de
creuser au rythme de 4 mètres cubes en 2 mois. Riek n'a ainsi pas pu
noter le caractère intrusif des ossements humains.
Les ossements humains ont donc été enterrés longtemps après les sculptures. Avec les nouvelles dates de Vogelherd il n'existe à présent plus aucun fossile humain reliant indubitablement l'Homme moderne et la culture aurignacienne. Soit les rares restes humains disponibles en d'autres sites sont difficiles à attribuer clairement à une espèce soit ils proviennent d'un contexte culturel difficile à décrire.
Nous
ne connaissons donc pas les auteurs des sculptures de Vogelherd et de l'art
aurignacien en général. Plus rien ne prouve qu'il s'agit d'Hommes
modernes. Les tenants de la thèse de l'art néandertalien reprennent
du poil de la bête : il n'est pas impossible que les Néandertaliens
soient les auteurs de la culture aurignacienne...
en anglais :
Nicholas J. CONARD, Pieter M. GROOTES & Fred H. SMITH : "Unexpectedly recent dates for human remains from Vogelherd", Nature 430, 198 - 201 (08 July 2004).
en allemand :
Gustav RIEK, 1934. Die Eiszeitjägerstation am Vogelherd, B.1 : Die Kulturen. F. Heine éd., Tübingen.
en français :